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Post nº12 | Comment comprendre les conflits inscrits dans l’espace urbain ?
















Au cours des derniers postes nous avons parcouru quelques dizaines de siècles jusqu’au XIIe siècle et nous avons remarqué qu’il s’agit du temps nécessaire pour stabiliser les valeurs physico-symboliques d’un établissement humain tel que : vie/mort ; nature/culture ; haut/bas ; etc. Ses valeurs son la racine de tout établissement humain. En générale ses valeurs s’expriment dans l’espace sous forme de places ou de monuments, il s’agit « d’un point » dans l’espace qui dynamise des trajectoires de mobilité dans l’espace ritualisés tels que : les parcours du roi ; le marché ; les parcours de pèlerinage ; etc. Ses espaces restent inscrits dans notre mémoire collective.

Parfois pour résoudre un conflit urbain il s’agit de comprendre ses valeurs physico-symboliques et les dynamiques que celui-ci engendre. Observons l’exemple de l’espace de conflit qui est le mur de Berlin, où entre en jeu la notion de cycle lié au métabolisme des valeurs physico-symboliques :


1. Notons la présence, dans l’épisode du mur de Berlin, d’un gradient morphogénétique organisé entre une idéologie totalitaire dans sa version révolutionnaire futuriste (régime communiste) et une idéologie libérale (démocraties parlementaires européennes et américaines). Ce gradient provient de racines multiples, mais son déploiement plus ou moins effectif s’initie à partir des conséquences de la Révolution d’octobre 1917 en Russie et l’arrivée au pouvoir d’un régime communiste. Ce gradient va engendrer une « frontière socio-culturelle », autrement dit la convocation d’une forme latente, séparant deux régimes politiques et institutionnels en conflit : Communisme et Libéralisme.


2. Cette frontière socio-culturelle se matérialise au plan géo-historique sous forme d’un mur saillant, se transformant en « frontière physique » dans la capitale allemande dès août 1961. Suite à la prise et à la libération de Berlin par les troupes soviétiques, la présence de l’Armée rouge constituait une frontière de fait pour l’avancée de l’URSS, qui initie sa présence dans le partage et le contrôle de la ville par les vainqueurs suite à la défaite du régime hitlérien.


Mais, par suite des dissensions entre les blocs, aux difficultés économiques et sociales de la gestion est-allemande par le gouvernement Ulbricht, ce dernier, à la suite d’une crise, obtient de Khrouchtchev l’autorisation de régler par la force le problème de l’émigration vers l’ouest des professions qualifiées, des capitaux, etc. La nuit du 12 au 13 août 1961, il fait ériger « un mur de protection antifasciste » de 43 km séparant la ville en deux.


Au sortir de la guerre, on assiste à une évolution différenciée des formes institutionnelles de la strate socio-culturelle, entre les deux régimes institutionnels allemands – RFA et RDA. Cette dernière connaît une forte pression de sa population afin, soit de libéraliser le régime, soit d’émigrer vers l’Ouest.


Rappelons ici la première tentative de fermeture des frontières par un blocus en 1948, combattue par un pont aérien jusqu’en mai 1949 où échoue cette tentative. De même, évoquons la répression militaire du soulèvement populaire est-allemand à la mort de Staline en 1953, visant le rejet du système communiste. A la suite de ces crises répétées, une dernière crise diplomatique faite de négociations et d’ultimatums, aboutira à la fermeture de l’intérieur de l’Allemagne soviétique par un mur.


3. À la suite de la stabilisation du mur pendant une trentaine d’années, cette « frontière physique » deviendra finalement, par une transformation qualitative liée à plusieurs raisons explicables géopolitiquement, une « frontière physico-symbolique », lorsque se produit la chute du mur de Berlin en novembre 1989. Cette frontière physico-symbolique s’exprimera par le démantèlement progressif du mur.


Le vide laissé dans cet espace et la récupération de morceaux de façon spontanée, effectuée par les individus eux-mêmes, initient un processus de symbolisation de cette mise-en-frontière, par la suite muséifiée, patrimonialisée et commémorée. Mais ce qui est remarquable selon nous, est le phénomène qui consiste en un renversement de la frontière séparatrice en un centre attracteur.


4. Cette frontière physico-symbolique va venir nourrir et reconfigurer la strate la plus profonde, motrice, la strate physico-symbolique, par une métabolisation de l’ancienne frontière – morceaux physiques du mur – attractant de nouvelles idéologies prégnantes : elle se voudra désormais le symbole du « dépassement de toute frontière ». D’une part, cette ancienne séparation devient un véritable « vacuum », ou centre organisateur attractif. Ce centre, au moyen d’un processus de réinvestissement symbolique du mur lui-même, véhicule une nouvelle prégnance idéologique – le démantèlement du mur lui-même étant le pendant symbolique du démantèlement de toute frontière.


Cette nouvelle idéologie prégnante peut être représentée par l’universalité des droits de l’homme. Elle aurait vocation à véritablement surmonter la particularité des entités politiques et les frontières fixées par les Etats-nations.


Après la réunification, il se produit une « densification des structures au centre » au niveau des structures politiques et administratives (Laporte, 2013 : 8) qui fait là aussi prédominer l’idée d’un « vacuum », actif dans ce centre, prenant la suite de la séparation Est-Ouest, et devenant attractif pour le pôle décisionnel et la concentration des activités du pouvoir et des activités médiatiques.


Vous pouvez lire plus de précisions sur cet exemple sur mon article en français : Marcos, Isabel, avec Morier, Clément, 2019. « Qu’est-ce qu’une frontière ? La rencontre entre la sémiotique et la théorie des catastrophes », in La sémiotique et son autre, (Biglari, Amir et Roelens, Nathalie, Eds.), Paris, Kimé –ISBN 978-2-84174-939-3

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