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Post nº9 | Comment se réorganisent morphologiquement les villes au temps des invasions barbares ?
















Le culte des martyrs va bouleverser l’organisation urbaine de Lutèce (Paris) et d’Olisipo (Lisbonne), en ce qui concerne la place des morts et des vivants. Dans son ouvrage sur la mort, Philippe Ariès montre comment « les morts vont entrer dans les villes d'où ils ont été éloignés pendant des millénaires. Cela a commencé, non pas tant avec le christianisme [occidental], mais avec le culte des martyrs d'origine africaine. Les martyrs étaient enterrés dans les nécropoles extra-urbaines, communes aux chrétiens et aux païens. Les sites vénérés des martyrs attirèrent à leur tour des sépultures ».


Deux raisons majeures sont à l'origine du culte des martyrs :


• Le martyr chrétien est un « héro » mythologique. Ce qui caractérise essentiellement le sacré mythologique est sa nature maléfique aussi bien que bénéfique. Le processus du martyr chrétien agit, selon Philippe Ariès, au sens contraire du sacrifice, autrement dit, dans le sens de la révélation.


Voici un exemple à Olisipo: Une légende raconte le supplice de trois frères à l'époque romaine de Diocleciano. La mort de ses trois frères martyrs a révélé l’innocence de ses victimes et a levé l’interdit et la peur des morts. La chair meurtrie des trois frères a constitué la source même de la vérité. Ce qui est singulier à tout saint martyr est que leur corps est le support même de sa sainteté, de son salut et de sa vie éternelle. Conformément à cette légende, les corps des trois frères ont été enterrés sur la butte de Santos, lieu qui deviendra plus tard un important centre religieux.


• La deuxième raison doit être cherchée dans l'instabilité provoquée par les invasions barbares et la chute de l'empire romain d'Occident. Elle explique le recours des populations à la protection des saints martyrs.


Les invasions sucessives déclenchent quatre mouvements majeurs de populations, que permet de décrire la réorganisation morphologique de la ville.


1. Il y a eu une concentration des populations, en direction de la ville, pour y rechercher une protection ou tenter d'y négocier une coexistence avec les barbares.


2. Cette instabilité a entraîné une dispersion des populations, dans les environs des villes européennes, provoquant une féodalisation du territoire.


Par exemple à Olisipo, le code wisigoth était tel que les personnes libres pouvaient facilement tomber en esclavage ; la chasse aux esclaves a fait progressivement fuir les habitants de la ville vers la campagne, provoquant une féodalisation du territoire. Les chefs wisigoths tenaient tête aux évêques des villes romaines les plus puissantes par la force de leur épée ; ils dominaient les consciences ainsi que la politique, même si les lois religieuses et civiles étaient, malgré tout, déterminées par les conciles. Malgré la désertification des villes, les Wisigoths ont continué à protéger les commerçants, du moins ceux qui venaient de la Méditerranée : Syriens, Byzantins, Italiens et Nord-Africains.


En retour, ce mouvement de dispersion est à l'origine de deux types de mouvement :

3. une concentration de gens, isolés et sans appui, à la recherche d'une protection, vers les grands seigneurs féodaux qui ont pu conserver l'unique richesse valable en période d'insécurité, la terre. Les invasions barbares selon Régine Pernoud seraient une des causes majeures du surgissement de la société féodale.


4. l'autre mouvement est un rassemblement autour d'un Saint Martyr, la recherche de protection auprès de ceux qui ont su conserver la richesse spirituelle, dans une période de confusion et d'insécurité, et qui proposent une sécurité en rapport avec l'au-delà.


Ces mouvements dans un climat d'instabilité sont à l’origine d’une conversion spatiale des valeurs symboliques. Durant quelques siècles la mort et la vie coexiste dans le même espace, ainsi que le sacré et le profane.

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